Chroniques

Rogue One
Un peu plus loin des étoiles


Par Hubert Charrier 02/01/2017

Compositeur de poids chez Disney, intime de J.J Abrams, il semblait inéluctable que Michael Giacchino croise, un jour où l’autre, la route d’un Destroyer. Lui même en rêvait depuis des années, dans sa chambre de gosse, planifiant surement une transition élégante, réfléchie, un passage de relais dans les règles, pourquoi pas un improbable duo avec John Williams sur l’Episode VIII. Avec Rogue One, rien de tout ça, malheureusement. 

Décevant, un adjectif difficile à entendre lorsqu’on évoque une composition de Michael Giacchino. Pourtant, ce constat n’est qu’une demi-surprise tant la production de Rogue One : A Star Wars Story apparaît chaotique. D’abord les reshoots, McQuarrie et Tony Gilroy en script doctors et finalement le départ de Desplat, expédié sans égard et justifié par d’obscures histoires de calendrier. Les studios ont beau arguer que le processus n’est pas inhabituel pour un blockbuster, les conditions ne semblaient pas réunies pour accoucher de la partition si longtemps rêvée.

4 semaines et pas de miracle

En 2015, avec Jurassic World, Giacchino prouvait pourtant à tous que l’héritage de John Williams n’était pas un poids insurmontable. Bien au contraire, il en faisait un atout, trouvant l’équilibre parfait entre citation et appropriation, ne reniant pas les thèmes iconiques (Welcome to Jurassic World) mais n’hésitant pas pour autant à en créer de nouveaux, dans son style mais tout aussi riches et prégnants (As The Jurassic World Turn). Sur Rogue One, toute créativité semble asphyxiée et notre compositeur se retrouve entre deux feux, assommé par les désidératas d’une production visiblement castratrice. Même les jeux de mots habituels de Giacchino n’ont pas leur place ici.

Dans le film cela se ressent énormément, entre des thèmes à moitié cités (notamment celui de la Force), travestis ou maladroitement imités. Ainsi Wobani Imperial Labor Camp et Jedha Arrival font immédiatement penser au Tales of a Jedi Knight quand The Imperial Suite ne se cache pas d’une proximité certaine avec le culte The Imperial March. Des morceaux qui ne se libèrent jamais vraiment alors qu’ils constituent la chair principale de cette bande originale. Si les dernières pistes de l’album paraissent enfin enlevées (Jyn Herso & Hope SuiteGuardians of the Whills Suite), elles ne suffisent pas à estomper ce sentiment de gâchis. 4 semaines pour composer Rogue One, le miracle n’aura pas lieu.

Giacchino peine ici à trouver sa voie, naviguant comme il peut, empruntant ici et là sans jamais donner un cap solide à sa composition. Pourtant plus original que Le réveil de la Force, le film confirme malgré tout nos craintes. Avec le rachat de Star Wars, Disney compte bien nous la faire façon Marvel et gaver l’oie jusqu’à rupture. Si dans cette entreprise avilissante, Mickey pouvait épargner nos meilleurs compositeurs, nous lui en saurions gré.

Rogue One, bande originale à retrouver en physique chez Walt Disney Records