Passengers
Space Oddity
Patiemment et sans bruit, Thomas Newman bâtit une carrière passionnante, infusant chacune de ses compositions d’une touche singulière et parfaitement identifiable. Un son aérien, unique et enveloppant, trouvant une place idoine dans des univers insondables, des abysses de l’océan à l’infini des étoiles. Après le formidable Wall-E en 2008, c’est non sans impatience que nous attendions la nouvelle parenthèse spatiale de notre Major Tom, Passengers.
En route pour un voyage de 120 ans, 5000 passagers hibernent d’un hyper-sommeil paisible, voguant à bord de l’Avalon, vaisseau tout confort, Titanic du cosmos. Pas d’icebergs ici mais un champ d’astéroïdes et les prémices d’une romance de l’espace. Pour nourrir son inspiration et boucler ce récit, Jon Spaihts, alors parfait inconnu, s’abreuve des bandes originales de Thomas Newman. Nous sommes en 2007, le jeune scénariste n’imagine pas une seconde que cette histoire lui ouvrira les portes de l’Eden, intégrant la très short “Black List”, inventaire des scénarios les plus courus d’Hollywood.
Un grain de sable dans la machine
Il aura finalement fallu attendre près de 10 ans pour voir Passengers sur les écrans avec, surprise, Thomas Newman en compositeur. Passé entre-temps par Wall-E, l’américain a déjà eu l’occasion de se frotter aux étoiles, trouvant-là un cadre idéal à sa musique réverbérante. Pourtant, histoire oblige, Newman pousse ici le curseur un peu plus loin, délaissant la légèreté de certains thèmes pour servir l’immersion. L’ouverture The Starship Avalon, donne d’emblée la profondeur nécessaire à ce voyage galactique, un thème répétitif, un son strident sorti des tréfonds et, d’un coup, une montée brève et intense, le grain de sable vient enrayer la machine.
Ce schéma musical se propage insidieusement dans l’album. Robot Questions et 50% of Light Speed sont des échos assez classiques de notre thème principal. Zero Gravity est plus marqué, annonçant le déchaînement final, bien aidé par la présence puissante des cuivres et l’emballement de l’électronique. La machine reste ici la principale source d’inquiétude. Dans ce moule,The Sleeping Girl est une variation intéressante. D’abord très calme, une harpe vient soudainement introduire une voix féminine. Le chant des sirènes annonce la tempête. Une révolte plus intime où l’humain vient perturber le quotidien sans vague de Jim (Chris Pratt), apportant une autre dimension et de nouvelles problématiques, morales cette fois.
Les amoureux de Major Tom (le Newman de Wall-E et Nemo) ne sont pas pour autant délaissés, le musicien utilisant fort à propos les mélodies aériennes et planantes de sa large palette. Spacewalk, Passengers et Starlit flottent ainsi dans l’air, en terrain conquis, sans jamais lasser. Avant-dernière piste de l’album, Accidental Happiness est le versant positif du ver dans le fruit, servant une happy end un peu trop convenue. Moins immersif qu’un Finding Dory, Passengers est un bel exercice qui devrait séduire sans peine les inconditionnels. Dommage tout de même que la réalisation un peu sage de Morten Tyldum ne pousse pas notre compositeur à sortir d’une certaine zone de confort.
Passengers, bande originale de Thomas Newman, à retrouver sur notre radio et en physique chez Sony Classical.