Chroniques

L’Odyssée
Le pied marin


Par Hubert Charrier 3/07/2017

Depuis son excellent travail sur Largo Winch, Alexandre Desplat ne lâche plus Jérôme Salle. Où l'inverse. Après un deuxième opus sur le milliardaire en blue jeans et Zulu, L’Odyssée marque un nouveau chapitre passionnant, indéniablement le plus ambitieux de cette collaboration. La foisonnante vie de Jacques-Yves Cousteau, pionnier de l’exploration sous-marine moderne et aventurier de La Calypso, voilà de quoi nourrir sans réserve l’inspiration du compositeur.

Nul besoin d’avoir un fameux trois-mâts pour gouter à la folie de Jacques-Yves Cousteau, avec L’Odyssée, l’iconique marin a trouvé bonnet à sa tête. Sur le papier, le projet de Jérôme Salle n’a pourtant rien de simple. D’un point de vue technique, en plus de s’étaler sur plusieurs époques, le film doit rendre aussi vivant et riche que possible le périple du « Commandant », metteur en scène de ses propres aventures. Malheureusement en quelques décennies, la faune et la flore se sont largement dégarnies, il s’agit donc de reconstituer une diversité qui n’existe plus, notamment celle des calanques. D’un point de vue scénaristique, là aussi, le biopic apporte son lot d’embûches. Sans trahir le personnage, il est important de ne pas tomber dans la complaisance. L’Odyssée évite l’écueil et le portrait scolaire en se recentrant sur la délicate relation que Cousteau entretient avec son fils Philippe, quitte à délaisser quelques axes et faire de l’aîné, Jean-Michel, une figure un peu trop lisse.

Clarté musicale

Au delà de l’histoire, c’est surtout l’esthétique sublime du film (œuvre de l’opérateur Matias Boucard) qui semble avoir inspiré la composition. Chaque plan est un délice dont semble se repaître Desplat, les variations de lumière et les reflets de l’eau servant une partition littéralement brillante. Outre l’instrumentarium (harpe, flûtes et percussions claires), c’est le choix d’utiliser les notes hautes du piano qui donne cette clarté à l’ensemble, rapprochant L’Odyssée d’autres fresques majeures du musicien, Benjamin Button et The Tree of Life en tête.

Au cœur de cet édifice, un thème concentre toute la dramaturgie et la symbolique du film, de l’océan à la personnalité ambiguë du « Commandant » en passant par l’opposition père-fils, entre ombre et lumière. Un fond sonore éclairé par quelques notes de piano dans L’hydravion, subtilement retravaillé pour Préservation et finalement développé avec richesse sur Last Flight. L’autre grand thème, L’Odyssée, est moins introspectif mais plus aventureux, une course à l’exploration, rendue haletante par cet ostinato introductif et ce thème en perpétuel mouvement, baladé entre les cordes, la flûte, les percussions et le piano.

Si nécessaire, le compositeur sait aussi varier les plaisirs. Le très joli Respirer sous l’eau choisi d’utiliser le verre (glassharmonica ?) pour nous plonger dans les abîmes. On retrouve d’ailleurs l’instrument pour la piste suivante, Deep Diving, plus oppressante avec ses relents de Jaws. Une belle idée qui méritait sans doute de pousser un peu plus l’expérimentation. Inutile pourtant de se perdre en arguties, Desplat prouve une nouvelle fois tout son talent, celui d’un romantique affirmé, imposant une touche délicate mais assurée. Dans la lignée de ses meilleures compositions, L’Odyssée est une bien belle expédition et une nouvelle étape importante et ambitieuse dans cette collaboration avec Jérôme Salle. Le pied marin ? Certainement.

L’Odyssée, bande originale d’Alexandre Desplat, à retrouver en digital et en physique, chez TF1 musique.