Chroniques

Kong: Skull Island
Electrique King


Par Hubert Charrier 24/03/2017

À quoi bon refaire le monde quand on vous propose de l’arroser au napalm ? Jordan Vogt-Roberts ne s’embarrasse pas longtemps pour Kong : Skull Island, nouvelle brique du MonsterVerse, l’univers partagé de Legendary Pictures. Des bombes et du rock, le petit déjeuner des héros et d’un Samuel L. Jackson remonté comme un prêtre à la plage. Là où Godzilla de Gareth Edwards traînait un peu la patte, Kong tranche dans le lard, exit la romance et le classicisme des anciens, place à l’action et au grand spectacle. Du pain béni pour le compositeur des mordants Kick-Ass et Kingsman, Henry Jackman.

C’est avec des pincettes que Jordan Vogt-Roberts aurait accepté le projet de Legendary. Depuis 1933, une dizaine de films autour du géant se sont succédés, jusqu’au plus récent King Kong en 2006. Peu convaincu par l’intérêt d’une nouvelle version, le jeune réalisateur pose ses conditions. Sa volonté, s’éloigner de la vision originale en lorgnant sur les terres d’Apocalypse Now et Platoon. Quelques bidasses, la jungle et beaucoup de second degré, on est loin de la fresque romanesque de Peter Jackson.

Puissance 1000

Avec ce genre de référence, difficile de passer à côté du jouissif rock des années Vietnam. The Stooges, Creedence Clearwater ou The Hollies viennent donc inévitablement booster le film de riffs légendaires. Une contrainte pour Jackman ? Absolument pas, une source d’inspiration au contraire. Car la grande idée de ce Kong c’est cette guitare électrique diluée sur tout l’album qui suit la personnalité ambigüe de Packard (Samuel L. Jackson), héros et salaud. C’est d’ailleurs Packard’s Blues qui introduit l’instrument, une plainte suspendue, tordue et inconfortable, le décor est planté.

Conquérante dans The Island, inhospitalière dans Spider Attack, la guitare dicte donc l’ambiance de nombreuses pistes, apportant les couleurs nécessaires à ce périple étouffant. Face à l’homme, la bête. Kong ne se cache pas longtemps et sort de sa tanière dès la fin du deuxième morceau, The Beach. Cuivres et tambours, la puissance de l’animal ne fait pas l’ombre d’un doute. À ce titre, Kong the Destroyer est aussi discret qu’un palmier au milieu de la figure, assommant sans réserve militaires et spectateurs pour l’une des scènes les plus impressionnantes du film. Remarquable tour de force tant il paraissait simple de s’embourber dans d’assourdissantes démonstrations. Ici, Jackman ne perd pas le fil, gardant en permanence ce souci de lisibilité, l’orchestration massive ne prenant jamais le pas sur l’ensemble.

Parallèlement, Project Monarch, est le grand thème de Skull Island. Décliné à maintes reprises (Assembling the Team, The Island, The Battle of Skull Island), il sert efficacement l’ensemble malgré une lointaine ressemblance avec un autre géant, Hulk de Danny Elfman. Puissante et prenante, la bande originale de Jackman est loin d’être anodine et devrait faire le bonheur des amateurs de scores musclés. Il lui manque peut-être juste la finesse que ne permettait pas le film. Ce n’était pas l’enjeu.

Kong Skull Island, une bande originale d’Henry Jackman, à retrouver sur notre radio et en téléchargement.