Godzilla: King Of The Monsters
Monstropolis
Figure de proue du kaiju eiga, ces films de monstres géants typiquement japonais, Godzilla revient à l’assaut des salles avec King of the Monsters, nouvel opus du déjà branlant MonsterVerse. Après un premier chapitre tiède, place à la castagne et aux châtaignes. Têtes arrachées, buildings écrasés, destruction de temple à l’ogive nucléaire, on dynamite et on ventile dans un scénario surtout prétexte à un grand défouloir. Une matière des plus récréatives pour l’Angeleno McCreary.
Soyons honnête, il faut sans doute aimer le genre pour prendre un quelconque plaisir avec King of the Monsters, blockbuster ampoulé, idiot et souvent laid. Aimer le genre ou s’appeler Bear McCreary…En lieu et place d’une musique bruitiste, attendue et donc parfaitement à propos, le compositeur plonge sans retenue dans la longue histoire du kaiju eiga et de ses compositeurs, Akira Ifukube et Yuji Koseki. Le résultat, une partition puissante, bien sûr, mais respectueuse et inventive, porte d’entrée idoine pour les novices et breuvage délicieux pour les adeptes.
Le sens du poil
Contrairement au volet introductif de 2014, Michael Dougherty ne fait pas dans l’économie et exploite largement le bestiaire de la tentaculaire saga. Mothra, Rodan et Ghidorah, trois grands monstres s’invitent dans cette suite et, logiquement, la bande originale s’articule en partie autour de cette foisonnante galerie. Premier servi, le roi Godzilla, introduit malicieusement par une fanfare secondaire mais imposante d’Ifukube avant l’arrivée de l’iconique thème. Loin de la simple mise à jour, McCreary apporte dès ce Main Title une autre épaisseur, que ce soit dans la richesse rythmique, caractéristique des films ou le travail des voix, puisant son inspiration dans le folklore japonais. Mêlant le taiko, art percussif traditionnel et les kakegoe, ces cris scandés tout au long du score, notre compositeur s’entoure d’experts et propose d’emblée, une couleur originale.
Pour Mothra, là encore, Bear McCreary utilise un thème fort du kaiju eiga, celui de Yuji Koseki. Une mélodie délicate qui contrebalance avec la puissance de l’ensemble et permet de souffler entre deux scènes (The Queen of the Monsters) ou d’illuminer le ring (Battle in Boston). Guidorah, l’immense dragon, se garde lui aussi une belle part, plus originale cette fois, lancé par des chants monocordes, entre incantation et prière. En rappel à ses trois têtes, son thème se construit autour de trois notes, développées en trois patterns, étoffés ensuite plus largement par trois répétitions. Une nouvelle fois, le travail d’appropriation force l’admiration et l’on vogue entre ambiances nippones et des orchestrations plus classiques, parfois typiques du musicien. La gestion du rythme, alternance entre ostinatos rapides et passages plus amples et contemplatifs, l’utilisation des cuivres, certains morceaux sonnent familièrement à l’oreille des habitués et permettent d’enrichir encore un peu plus les thématiques de ce King of the Monsters (Old Rivals, The First Gods, l’excellent Redemption).
Généreux, l’album tire un peu sur la corde et s’embourbe dans quelques lourdeurs évitables (Ice Breaker, Fog Over Fenway). Mieux vaut être averti et d’humeur égale avant de se frotter à ce gros lézard de plus d’une heure trente! On sort un peu sonné, mais rien de trop méchant pourtant. Dans la lignée d’Outlander, Bear McCreary réussit à fusionner les genres, les époques et les folklores. King of the Monsters décoiffe, régale et donne envie de tout péter à coups de Bombe A et de pattes dans la gueule. Ça tombe bien, c’est écrit dans le scénario.
Godzilla: King of the Monsters, bande originale de Bear McCreary, à retrouver en physique chez WaterTower Music.