Chroniques

Don’t Breathe
Le souffle court


Par Hubert Charrier 19/10/2016

De près de 2 000 000 d'âmes en 1950 à moins de 700 000 aujourd'hui, Detroit est un fascinant cas démographique et un terrain de jeu unique pour le cinéma. Après Lost River et It Follows en 2015, c'est au tour de Fede Alvarez d'exploiter la fantomatique ville avec Don't Breathe, huit clos horrifique où le son tient une place de choix. Du pain béni pour Roque Banos. 

Soucieux d’échapper à un avenir misérable et cloisonné, trois amis accumulent un peu d’argent en cambriolant les maisons des alentours. Découragés par leurs petits larcins, une occasion en or s’offre à eux, 300 000 $ dormant sagement dans la maison d’un vieux soldat aveugle, au 1837 Buena Vista (bonne vue en espagnol). Aveugle, certes, mais pas sourd…

Musique et malice

Si la musique a toujours occupé une place prépondérante dans le cinéma d’horreur, Don’t Breathe la pousse, de par son scénario, au tout premier plan. Un tueur aveugle dans une maison close, une chasse à l’homme où chaque bruit semble nous rapprocher un peu plus de la fin. Musique ou sound design, Roque Banos, déjà à l’oeuvre sur Evil Dead, prend le parti de ne pas trancher et de jouer avec nos nerfs sans perdre pour autant une cohérence d’ensemble.

Entouré de L’Anarchestra, le compositeur expérimente une large palette de percussions métalliques fondant ainsi avec malice sa musique, du décor industriel de la ville au soubassement glauque du 1837 Buena Vista. Une ambiance lourde relevée par une mélodie, quelques notes souvent stridentes (Let’s do this one, The Blindman Liar), interstices musicales d’un score oppressant.

Si quelques accélérations pénibles viennent assombrir l’expérience (Indoor Chasing, Trapped in the Car), il ne faudrait pas qu’elles annihilent la bonne volonté du béophile. Don’t breathe prend son envol sur les dernières pistes, le suraigu des cordes laissant place au piano. Effleuré dans Leaving Town, à la manière d’un Burwell sur Bons Baisers de Bruges, et surtout martelé dans un final d’exception, Don’t Breathe Credits. Un morceau justifiant à lui seul la sinueuse écoute d’un album qui pêchera peut-être à séduire les oreilles les plus volatiles. Un peu de persévérance doublé d’une expérience sur grand écran pourraient pourtant les convaincre.

Don’t Breathe, une bande originale à retrouver sur notre radio et en physique sur le label Lakeshore Records.