Chroniques

La La Land
Just in ?


Par Hubert Charrier 06/02/2017

N’en déplaise aux pisse-froid et apôtres de la déprime, La La Land est bien le nectar espéré, celui des fêtes, pétillant, rafraichissant et diablement efficace. Pourtant, nous l’attendions avec un flingue et une pelle, à la douce, au détour d’une ruelle sombre. La faute à ses nazillons du marketing et leurs affiches en 4 par 3 : « Un triomphe absolu », « Historique », « Une merveille », « Le meilleur film de l'année »… En période d’Oscars, César et autres breloques dorées, mieux vaut raser les murs, surtout ceux du métro.

Une ouverture brouillonne et tape à l’œil, des scènes chorales moins efficaces, l’insipide John Legend, quelques bons arguments doublés d’une solide mauvaise foi ne suffiront pas à éclipser les nombreuses qualités de La La Land. La mise en scène souvent brillante de Damien Chazelle, le montage parfaitement rythmé, le scénario aigre doux ou encore l’évidente alchimie Ryan Gosling/Emma Stone, autant de munitions à rétorquer en touffe aux détracteurs cabochards. Parmi ces points forts, le remarquable travail de Justin Hurwitz, compositeur complice de notre réalisateur.

Fanfare et piano

La faute à Hank Levy et son entêtant morceau, Whiplash n’avait laissé entrevoir qu’une partie du talent d’Hurwitz. La La Land est un exercice bien plus classique et complet. Estampillé comédie musicale, le film donne à notre musicien tout le loisir de déployer mélodies et thèmes colorés. Matière première du film, les chansons, composées en amont et nécessairement avant le tournage, ont demandé un an de travail. Thème central, l’ouverture Another Day of Sun, lancée par un clavier sautillant, est une mise en bouche en fanfare, cuivrée et dansante, parfaitement catchy, beaucoup plus efficace à l’écoute qu’à l’écran. De la même trempe, Someone in the Crowd est entrecoupé par deux réjouissants passages orchestraux et une rupture de ton en douceur.

Plus intimiste, le très épuré City of Stars représente un autre versant du travail de Justin Hurwitz. Repris plusieurs fois dans l’album et particulièrement mémorable dans sa version sifflée, la chanson illustre l’importance du piano, instrument de prédilection de Ben (Ryan Gosling). Deux pièces lui sont intégralement dédiées, le très délicat Mia & Sebastian’s Theme ainsi qu’une jolie reprise du thème d’ouverture, Engagement Party. Pour les parties plus orchestrales, rêveurs et romantiques ne manqueront pas Epilogue et surtout Planetarium, valse aérienne portée par les flûtes et la harpe. Les fans de Whiplash, eux, retrouveront avec plaisir la teinte jazzy chère au duo Chazelle-Hurwitz (Summer Montage, Herman’s Habit).

Certains reprocheront les voix de nos deux amoureux, souvent sur le fil, elles donnent pourtant un cachet unique à l’ensemble. Reste l’un peu trop attendu Audition, l’indigent Start A Fire et une double édition un peu vache, avec un album sans chansons, uniquement dédié aux compositions. Une seule galette un poil plus généreuse aurait sans doute fait l’affaire mais ne boudons pas notre plaisir, La La Land est bien la jolie réussite promise, on y chante, on y danse, on y rêve. Chapeau bas donc.

La La Land, bande originale à retrouver sur notre radio et en physique chez Interscope Records.